Cela fait, aujourd’hui, 53 ans depuis la création de l’ Organisation de l’unité africaine (OUA). Ce fut un événement historique pour le continent dont, malheureusement, très peu s’en émeuvent. Au
fait, ce jour aurait dû être marqué d’une pierre blanche dans tous les états africains. Mais, force est de constater qu’une infime minorité de citoyens africains est consciente de cette date, pourtant importante dans l’évolution du panafricanisme. Il n’y a que très peu de pays du continent qui célèbrent l’événement de façon officielle en décrétant ce jour férié et en organisant des manifestations pour sensibiliser leurs populations à cette Journée de l’Afrique.
À Maurice, est-ce que le drapeau de l’Union africaine (UA) flottera sur l’hôtel du gouvernement en ce jour? Les établissements scolaires en feront-ils état? Le Ministre des affaires étrangères fera-t-il une déclaration en bonne et due forme pour mettre en valeur cette date? On l’espère bien.
Ce continent a, de tout temps, suscité des émotions diverses, voire contradictoires sinon controversées. Tel sera le cas pendant longtemps encore. Tout le monde en parle mais très peu s’y
aventurent, si ce n’est que pour prendre avantage des attraits économiques, commerciaux et stratégiques qu’il représente, malgré l’instabilité politique et les conflits qui perdurent dans certaines sous-régions. De cette minorité, certains ont trouvé leur bonheur et s’y sont établis et sont devenus africains à part entière.
Quels étaient les objectifs principaux des pères fondateurs de l’OUA? Entre autres, c’étaient de: renforcer l’unité et la solidarité des États africains; coordonner et coopérer pour offrir de meilleures conditions d’existence aux peuples africains; défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance; et éliminer le colonialisme de l’Afrique.
Ainsi, la vision qui a primé à ce rassemblement historique était celle d’une ‘Afrique des états’, défendue par le Groupe de Monrovia, à l’opposé de celle du Groupe de Casablanca, qui lui, favorisait une Afrique supranationale, en instaurant un marché commun africain, et surtout une citoyenneté africaine.
Le Groupe de Monrovia, mené principalement par Léopold Sédar Senghor, alors président du Sénégal, prônait la reconnaissance du caractère définitif des frontières héritées de la colonisation, telles qu’elles avaient été découpées lors de la Conférence de Berlin de 1884-85. Le Groupe de Casablanca regroupait principalement Kwame Nkrumah du Ghana, Sékou Touré de la Guinée et Modibo Keïta du Mali.
Il est opportun de reconnaître que le flambeau du panafricanisme post-indépendance s’éveilla de nouveau suite à la rencontre du Groupe de Casablanca, réuni à Casablanca à l’invitation du roi Mohammed V du Maroc en janvier 1961. Y était aussi le président égyptien, Gamal Abdel Nasser.
Le premier document pour une Afrique unie, affirmant la personnalité africaine, était La Charte Africaine de Casablanca, dont presque personne n’en parle aujourd’hui. Très concise, la charte souligne la détermination du groupe « de faire triompher les libertés dans toute l’Afrique et de réaliser son unité ». Ce n’est nullement surprenant, au vu des intérêts et pressions externes, que ce
groupe, que l’on qualifiait de radical et extrême, fut vite mis en minorité à l’avantage du Groupe de Monrovia, qualifié de modéré.
Il faut aussi se rappeler que le monde était alors pris dans les tenailles de la guerre froide.
L’Afrique, malgré elle, était devenue le théâtre des affrontements ouverts et couverts entre l’Ouest, mené par les États Unis d’Amérique, et l’Est, par l’Union Soviétique. Le mur de Berlin érigé en 1961 par la République démocratique allemande était le symbole de cette guerre froide. Le vent de la libération soufflait sur le continent et les deux idéologies s’y positionnaient pour élargir leur champ d’influence et de contrôle. L’apartheid en Afrique australe (Afrique du Sud, Rhodésie, et l’Afrique du Sud Ouest) sévissait à plein régime. L’on se souviendra du massacre de Sharpeville de1960. Et, de l’assasinat de Patrice Lumumba, militant de l’indépendance du Congo. Cet état de choses constituant la toile de fond du continent, c’étaient les diktats des intérêts non-africains, bénéficiant d’une certaine complicité interne, qui primaient.
Bravant les pressions, tantôt économiques et tantôt politiques et militaires et, à leurs risques et périls, les Chefs d’états indépendants de l’Afrique mirent le cap sur Addis Abeba en Ethiopie et le 25 mai,1963, signèrent la Charte de l’OUA. Ainsi, ‘l’Afrique des états’ était née.
Il faut souligner que le panafricanisme rêvé par le groupe de Casablanca a persévéré mais n’a jamais atteint l’étape supérieure de mouvance fédératrice. Les tentatives, en fin du siècle dernier et au début du 21e siècle, de certains Chefs d’état, ayant à leur tête, feu Mouammar Khadafi de La Libye, pour faire accepter les « États Unis d’Afrique » et l’installation d’un gouvernement continental échouèrent lamentablement. L’heure n’était pas la plus propice pour cette transformation drastique et les suspicions quant aux motivations, à peine voilées, de Khadafi avaient fini par tuer l’initiative.
Quant aux multiples textes et décisions d’intégration régionale adoptés par les instances de l’OUA/l’UA, leur traduction en actions concrètes peine à suivre les échéances arrêtées et, en conséquence, retarde l’émergence de cette Afrique unie, tant rêvée par le Groupe de Casablanca.
Une Afrique? Ce n’est pas pour demain! La volonté politique n’y est pas. Malheureusement…
Vijay Makhan*
25/5/2016
*Ndlr: Vijay Makhan fut élu Secrétaire général adjoint de l’OUA en juillet 1995 par les Chefs d’état au Sommet d’Addis Abeba. Réélu en 1999, à Alger, il devint Commissaire de l’UA suite à la transformation de l’organisation continental.
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